Logo cession affaire
Jean-Luc Hébert

Jean-Luc Hébert

Jean-Luc Hébert, qui est membre du groupement national Audecia, a participé à la rédaction de « La Transmission d’Entreprise pour les Nuls »

Par Cyril ANDRE - le 19/06/17

Constatez-vous une baisse du nombre de transaction ? Qu’en est-il en termes de valorisation ?
Sur le terrain, nous ressentons un fort ralentissement des opérations d’acquisition et de cession. Au niveau de notre réseau de cabinets d’expertise comptable Audecia, cette baisse est sensible. Souvent, le vendeur préfère attendre afin de pouvoir présenter un meilleur bilan. Il espère ainsi mieux valoriser que lors des deux dernières années. Pour leur part, les acquéreurs apparaissent anxieux et craignent  une baisse des résultats après la reprise de la cible du fait de la  persistance de la crise.
En termes de valorisation, nous constatons que les coefficients baissent. Les acquéreurs justifient cette tendance par l’incertitude sur les années à venir. Par ailleurs, les critères des banques, dans le cadre d‘un financement, sont de plus en plus stricts. Il y a quelques temps, le banquier retenait 80 % du résultat du business plan pour calculer son plan de financement, aujourd’hui, certaines banques retiennent 65 %. Ceci implique un prix à la baisse.

Les audits comptable, fiscal mais aussi social sont indispensables

Les cédants anticipent-ils suffisamment la cession de leur entreprise ?
Les cédants ont du mal à anticiper la cession de leur entreprise ainsi que le temps que va nécessiter l’ensemble du processus. En moyenne, une opération de ce type prend de 12 à 18 mois. Sur le plan juridique, il y a des opérations à mener comme l’apport-cession des titres. Par ailleurs, il faut aussi anticiper sur la masse salariale. En cas de résultats moyens, il n’est peut-être pas opportun d’embaucher. Il vaut mieux tendre quelque peu l’effectif afin de pouvoir présenter de meilleurs résultats. Le dirigeant doit travailler bien en amont avec ses conseils afin de préparer au mieux la société à la cession, idéalement quatre années avant le moment envisagé pour la transmission. A titre d’exemple, les opérations d’apport partiel d’actifs nécessitent de conserver les titres durant trois ans. Par ailleurs,  il y a un élément très important à prendre en considération par le vendeur : que compte-t-il faire après ? Il lui faut bien préparer l’après cession que ce soit la retraite ou la reprise d’une autre activité.
 
Dans « La Transmission d’Entreprise pour les Nuls », que conseillez-vous aux repreneurs comme stratégie de recherche de cible ?
Dans les opérations de recherche, un intermédiaire sérieux et réellement spécialisé peut vraiment faire  gagner du temps. Cela permet aussi à un repreneur potentiel, qui n’a pas suffisamment d’apport ou de compétences pour cibler tel type d’entreprise, d’être mis sur le bon chemin. Pour trouver la bonne cible, il ne faut pas se disperser. Chercher tout azimut, dans trop de domaine d’activité ne semble pas être une bonne stratégie.
 
Qui doit négocier le prix de la cible ? La clause d’earn out peut-elle débloquer des négociations difficiles ?
Dans bien des cas, l’objectif principal du vendeur est la pérennité de son entreprise. Pour la fixation du prix de cession, je suis assez pour que les discussions, du moins au départ, se déroulent entre professionnels, entre les conseils plutôt que directement entre le cédant et le repreneur, et ce afin de préserver les bonnes relations entre ces deux derniers.
La clause d’earn out devient très fréquente, du fait notamment de l’attitude des banquiers. Selon moi, si la cession peut se conclure sans une telle clause, il vaut mieux prendre cette voie. Il est vrai que l’earn out, ou complément de prix, peut-être dans certain cas une solution pour trouver un accord. Mais, et à titre d’exemple, au tribunal d’arbitrage de Rennes, ma ville, environ 80 % des litiges sont liés à des clauses d’earn out.
 
A quel moment est-il préférable que le repreneur vous contacte ?
Je suis partisan d’un contact entre le repreneur et l’expert-comptable très amont. Afin de le conseiller au mieux, nous avons besoin de bien connaître le futur repreneur, son mode de fonctionnement et ses capacités à diriger une entreprise ; ce qui nous permet aussi de l’orienter vers des dossiers qui puissent lui convenir.
 
Quels audits peuvent-ils être considérés comme indispensables ?
Les audits comptable, fiscal mais aussi social sont indispensables. L’expérience prouve que les difficultés proviennent majoritairement du domaine social. J’ai l’exemple récent d’une entreprise de 50 salariés pour qui un contrat de prévoyance était obligatoire mais qui n’y a pas adhéré : en cas d’accident du travail significatif, les conséquences peuvent alors être catastrophiques pour l’entreprise. La difficulté peut aussi venir d’heures supplémentaires non réglées. Même si la garantie d’actif et de passif est là, cela pourra poser  un vrai problème pour le repreneur. Ce n’est pas forcément au niveau des audits comptables et fiscal que nous avons le plus de surprise.
 
Quelles sont les principales missions de l’expert-comptable dans le cadre d’une opération de reprise d’entreprise et quel est votre mode de rémunération ?
Parmi nos missions figure la validation de la valorisation de l’entreprise mais aussi l’audit des comptes. L’élaboration du dossier de présentation bancaire est vraiment fondamentale. Il faut savoir comment fonctionnent les banques et quels sont leurs critères afin d’établir un bon business plan pour trois ans.
L’acquéreur doit demander à son expert-comptable, dès le départ, une lettre de mission qui définisse bien les tarifications. Le client doit connaître l’ensemble des prestations qui vont être réalisées ainsi que leur tarif. En général, dans notre profession, nous fonctionnons au forfait. A titre d’exemple, et évidemment en moyenne, pour une cible vendue 1 millions d’euros, l’expert-comptable établira un forfait de l’ordre de 5 000 euros.