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Catherine Elie

Catherine Elie

La dernière édition du Baromètre ISM-MAAF de l'artisanat analyse les difficultés que rencontrent les artisans pour transmettre leur entreprise. Catherine Elie nous livre ses explications.

Par Cyril ANDRE - le 05/05/21

D’après votre enquête, seul un artisan sur trois va réussir à transmettre son entreprise. Jugez-vous ce constat inquiétant ?
Non, pour moi il ne s’agit pas d’un véritable sujet d’inquiétude. Nous connaissions ce phénomène depuis assez longtemps, mais nous n’avions alors pas de données précises. D’une part, toutes les entreprises artisanales n’ont pas vocation à être transmises, car beaucoup d’artisans travaillent seul : c’est le cas pour les deux tiers des entreprises artisanales. D’ailleurs, ce phénomène prend de l’ampleur avec le statut de microentreprise, autrement dit les autoentrepreneurs. Généralement, les artisans qui travaillent sous ce statut n’ont pas grand-chose à transmettre et ils sont de plus en plus nombreux. À titre d’exemple, un peintre en bâtiment qui travaille seul : il n’a pas de locaux, car son entreprise est domiciliée chez lui, il ne possède quasiment aucun matériel et n’a généralement pas de fichier clientèle à vendre. Donc ce type d’entreprise n’a, dans les faits, pas de valeur marchande.
 

Beaucoup d'entreprises sont transmissibles, mais ne sont pas vendues, car le dirigeant ne fait aucune démarche pour céder

Concernant les artisans employant des salariés, seuls 64 % ont cherché à transmettre et tous n’y sont pas parvenus ; au final moins d’un sur deux a pu transmettre. N’y a-t-il pas un vrai problème ?
Effectivement, à ce niveau, on peut se dire qu’il y a un « bug » dans le système. Il existe, en effet, un certain nombre d’entreprises qui ont vocation à être transmises et qui ne le sont pas. La principale raison est en fait double : soit l’entreprise se trouve dans une situation financière difficile, soit le dirigeant connaît des problèmes personnels, notamment de santé. Dès lors, le chef d’entreprise se dit qu’il ne peut pas transmettre. Autre explication : l’artisan habite dans les locaux de l’entreprise et il n’a pas souhaité se séparer de son logement pour tenter de vendre l’entreprise. Enfin, certains estiment que leur activité n’a pas beaucoup d’avenir ; ils ont donc tout simplement baissé les bras quant à une éventuelle transmission.

Ceux qui cèdent leur activité le font-ils essentiellement car ils partent ensuite à la retraite ?
Non, il n’y a qu’un artisan sur deux qui vend son entreprise pour cause de départ en retraite.

Les cédants potentiels se font-ils suffisamment accompagnés et sont-ils réceptifs aux messages en ce sens émanant, notamment, des CMA et des CCI ?
Non, ils ne se font pas suffisamment accompagner et cela a été un peu une surprise dans cette enquête. Ils ne s’appuient pas sur les réseaux d’accompagnement. Entre 5 et 10 % se font accompagner, ce qui est un taux, bien sûr, faible. Nous nous apercevons donc que beaucoup d’entreprises sont potentiellement transmissibles, mais, dans les faits, ne sont pas vendues, car le dirigeant ne fait aucune démarche pour céder. Dès lors, des entreprises et des emplois disparaissent. En dépit, de toutes les campagnes nationales, les différents dispositifs d’aide à la transmission d’entreprise demeurent très sous-utilisés par les entreprises artisanales. Par ailleurs, la majorité d’entre eux ne recherche un repreneur que dans leur entourage et proche géographiquement. Les artisans qui souhaitent transmettre cherchent d’abord au sein de leur famille, puis auprès de leurs salariés. Mais ces derniers, généralement, ne sont pas intéressés ou ne possèdent pas les ressources financières suffisantes.